Nous avons interviewé le loup, qui nous a donné sa version de l'histoire du Petit Chaperon rouge.

Il nous a dit que quelques jours plus tôt, il était sorti de chez lui pour aller faire un petit tour dans la forêt qui s'étendait derrière sa petite maison. Il a tenu à nous dire qu'il habitait chez ma maman, et qu'elle avait bon appétit. Comme elle avait des rhumatismes, c'était lui qu'elle avait envoyé chercher le repas de midi. Il se promenait en sifflotant lorsque, tout à coup, il avait aperçu une petite fille qui suivait le chemin qui menait au centre de la forêt. C'était une belle petite fille, bien dodue, appétissante. Il y avait là de quoi faire un rôti de belle taille.

Il s'était donc approché d'elle pour engager la conversation. Quand elle l'avait vu, elle n'avait pas eu peur. Au contraire, elle lui avait fait un joli sourire, et lui avait demandé ce que'il faisait dans ce bois. Il lui avait répondu qu'il allait faire les commissions pour sa vieille maman. Elle lui avait dit que c'était bien, lui avait dit au revoir, et s'était mise à courir. Elle était super-entraînée, si bien qu'il n'avait pas réussi à la rattraper.

A midi, comme il n'avait toujours rien trouvé pour le repas, il était rentré bredouille à la maison. Il avait le coeur serré, car sa maman ne serait pas contente qu'il rentre les mains vides. Il avait ouvert la porte, mais sa maman n'était pas dans la salle à manger. Il était alors allé voir dans sa chambre: elle était couchée dans son lit, le drap remonté sur la tête.

Il allait sortir de la chambre lorsque sa maman lui avait dit d'une voix bizarre: « Tu viens, mon loup?» Comme elle ne l'avait jamais appelé ainsi, il s'était méfié. Elle avait alors baissé le drap. Il pouvait maintenant voir le haut de son visage. Il lui avait alors dit: « Oh, Maman! Que tu as de petits yeux! » Elle lui avait répondu: « C'est pour mieux les fermer, mon Loulou! »

Comme il trouvait cela louche, il avait reculé d'un pas. De plus, il trouvait ma mère bien pâle, et il le lui avait dit: « Oh, Maman! Que tu as la peau blanche! », ce à quoi elle lui avait répondu:

« C'est pour mieux te plaire, mon Loulou! » Et alors, elle avait soulevé le drap: c'était le petit Chaperon rouge, nu comme un ver, et qui le regardait avec des yeux brillants. Alors, il avait eu peur.Il avait sauté par la fenêtre, et il était parti, ventre à terre.

C'était alors qu'il avait vu sa maman, attachée à un arbre, un bâillon dans la gueule. Il s'était dépêché de la libérer. Elle lui avait raconté que quelqu'un lui avait mis un sac à pommes de terre sur la tête, et qu'elle avait reçu un coup derrière les oreilles.

Il ne pouvait pas lui expliquer que c'était le petit Chaperon rouge. Il pouvait encore moins lui raconter qu'il avait trouvé la petite, nue dans le lit. Qu'aurait pensé Maman de son fils? Elle n'aurait pas compris pourquoi il était parti en courant, alors que le rôti était déjà servi, prêt à être cuit...

Ils sont rentrés à la maison: elle était vide. Mais ils avaient eu quand même à manger. En effet, le petit Chaperon rouge avait oublié son panier, et ils y avaient trouvé une galette et un pot de beurre de Normandie.

Vous vous dites certainement qu'il était bête d'avoir fui devant une fille nue, qui ne lui voulait que du bien, et vous avez sans doute raison. Mais que voulez-vous... C'était un grand timide. Et puis, on lui avait toujours dit qu'il ne fallait pas jouer avec la nourriture!

(Christian Meunier : Très très librement d'après le Petit Chaperon rouge, de Charles Perrault)