Avant d’essayer de cerner le processus d’acquisition et d’emploi de la valeur des temps en langues modernes, il convient de clarifier la notion de temps (tempus).
L’expression de la notion de temps est universelle dans les langues, alors que les moyens utilisés pour exprimer cette notion sont spécifiques à chaque langue (temps des verbes, adverbes temporels …)
Le temps est une notion humaine qui rend compte du changement autour de nous. Psychologiquement, c’est un concept crucial pour l’homme, car toute expérience est relatée au temps. Le mot temps vient du latin tempus, et fait référence à la division de la durée du temps en éléments finis.
La mesure de la durée du temps, c'est-à-dire du temps écoulé entre deux événements a évolué à travers les âges et l’idée que les êtres humains se font du temps a suivi cette évolution. Le temps peut se mesurer en unités temporelles telles que années, mois, heures ou en quantités : 3heures, 5 minutes … La perception d’une phase de temps dépend du point de référence dans le temps : Pour dire que quelque chose est arrivé dans le passé, il faut avoir une définition du temps présent. Le moment présent sert aussi de séparation entre le passé et le futur. Le temps historique est représenté par une ligne droite sur laquelle sont placés les événements selon leur relation temporelle.
Le temps historique est découpé en trois périodes :
L est le moment ou le locuteur ou la locutrice parle. Il coïncide avec le présent.
F est le moment où le fait a lieu. Il y a trois cas :
Le principe de causalité affirme que l'effet ne peut précéder la cause. Ce principe donne une définition implicite du temps : le temps est l'ordre de l'enchaînement des causes et des effets.
La notion de temps est un corollaire de la notion de mouvement : le mouvement est la variation des choses la plus accessible à la perception. La variation n'existe que dans la durée.
Tandis que l'aspect linéaire est irréversible et a d'abord servi à mesurer le temps, la régularité du retour de certains événements donne une mesure plus précise. Les phénomènes périodiques naturels ont permis d’établir très tôt une référence de durée, le calendrier, et donc de quantifier le temps, c'est-à-dire lui associer un nombre et une unité, en effectuer une mesure.
Toutes les cultures ont apporté des réponses nombreuses au questionnement sur le temps, pourtant, toutes ne portent pas la même vision intime du temps. Dans presque toutes les cultures humaines le locuteur se représente avec le futur devant et le passé derrière lui.
On peut avoir deux conceptions du temps qui passe :
La première conception est celle qui est la plus fréquente en français.
Il est utile de noter que la notion de temps n’est pas innée chez l’individu et l’enfant ne la possède pas en venant au monde. C’est une notion complexe qui se combine avec d’autres notions : la continuité et la succession (chronologie), l’antériorité, la simultanéité, la postériorité, l’alternance, le rythme, le cycle et la durée.
C’est à l’école maternelle et plus tard primaire que l’enfant va prendre conscience du temps, va apprendre à l’organiser et à le structurer. Toutes ces acquisitions sont étroitement liées à l’apprentissage d’un vocabulaire précis ainsi qu’à l’intégration des valeurs des temps du verbe, intégration qui se fait par habitude et réitération, avant de se fixer définitivement dans l’esprit de l’individu.
La situation d'énonciation :
Chaque fois que l'on communique, à l'oral ou à l'écrit, on produit un énoncé. On accomplit alors une énonciation. L'énonciation est l'action d'émettre un énoncé.
Restituer un énoncé dans la situation d'énonciation, c'est se demander : « qui parle ? » (locuteur), « à qui ? » (allocuteur), « à quel moment ? » (Moment ou circonstance temporelle), « dans quel lieu ? » (Lieu) et «dans quelle intention ? ». (But ou objectif de l’énonciation).
Certains énoncés dépendent de la situation d'énonciation. Ces énoncés sont ancrés dans la situation d'énonciation. Ils ne sont compris que si l'on connaît la situation d'énonciation.
La déixis est, en linguistique, l’étude des éléments de la phrase ou de l’énoncé ( éléments appelés de ce fait : éléments déictiques) qui font une référence spatiale ou temporelle entre le locuteur, ce dont il parle, et l’allocuteur. Ces éléments sont comme le curseur de la souris, ils « pointent », ils mettent le doigt sur les objets, le lieu ou le temps (tempus) du point de vue du locuteur.
La déixis peut donc se résumer comme étant un phénomène de « pointage » de certains éléments dans la phrase, ces éléments et expressions déictiques étant les éléments du langage au moyen desquels le discours/l’énoncé s’ancrent dans la réalité où se trouvent les participants (locuteur et allocutaire) de l’événement énonciatif. Un élément déictique peut être un mot ou une phrase tels que ce, cette, ces, mon, maintenant, puis, alors ...qui marquent le temps, l’endroit ou la situation dans lequel/laquelle se trouve le locuteur.
Exemples d’éléments déictiques :
On parle de déixis spatiale, ici, voilà, là lorsqu’elle ancre l’énonciation dans le lieu où se trouve le locuteur On parle de déixis temporelle, maintenant, aujourd’hui, il y a 2 jours, lorsqu’elle ancre l’énonciation dans le temps.
Maintenant et ici par exemple font référence au moment et au lieu de l’énonciation.
Je et nous font référence au locuteur et à l’allocuteur.
Dans l’étude qui nous intéresse, nous allons nous pencher plus particulièrement sur le « temps déictique », c'est-à-dire le point de référence du locuteur dans le temps par rapport aux événements énoncés.
© Jean Piètre-Cambacédès & Christian Meunier