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Problèmes créés par les voyelles


2.2.3.1.2.2 Par les voyelles

Les voyelles apportent elles aussi leur lot de problèmes. Mais n’oubliez pas, tout au long de cette étude, que ces voyelles constituent le support principal des syllabes et que, étant donné la régularité syllabique du français, elles sont toujours réalisées entièrement, jusqu’au bout, et ne sont jamais diphtonguées.

Travailler avec le trapèze

Avant de passer au travail sur les voyelles, présentez à vos apprenants le fameux trapèze des voyelles. Présentez-leur les plus fermées. Montrer que l’on passe à une autre voyelle en baissant la langue.

[i] - [e] - [ɛ] - [a]

[y] - [ø] - [œ]

[u] - [o] - [ɔ] - [ɑ]

Montrez que l’on peut, en mettant les lèvres en avant, passer d’une voyelle étirée à une voyelle arrondie

[i] - [y]

[e] - [ø]

[ɛ] - [œ]

Apprenez à dessiner ce trapèze rapidement sur le tableau, ou au rétroprojecteur. Et servez-vous-en lorsque vous travaillez sur les voyelles.

Il y a d’abord les voyelles nasales.

En Europe, seuls le français, le polonais et le portugais ont des voyelles nasales. Les autres langues n’en ont pas, ce qui pose des problèmes sérieux.

On peut partir du principe que la plupart des apprenants remarquent qu’il y a des voyelles nasales.

Mais deux questions se posent pour eux :

  • Comment réaliser une voyelle nasale ?
  • A quelle nasale ont-ils affaire, et comment faire plusieurs nasales différentes, si possible la bonne ?

➔ La plupart des apprenants font comme les Marseillais : ils ajoutent l’appendice nasal [ŋ] derrière la voyelle orale. Ainsi, on aura le pain [pɛŋ], la chanson [ʃaŋsoŋ]. Même si le procédé se comprend puisque, incapable de produire la voyelle et la nasalité en même temps, on prononce la voyelle que l’on fait suivre d’une consonne nasale, il n’est pas très élégant, d’autant plus qu’il sera difficile à un Allemand de passer pour un Marseillais, étant donné le reste de sa prononciation.

➔ D’autres, qui ne savent pas comment s’y prendre, tordent le nez pour faire quatre nasales, qui ressemblent toutes un peu à un [õ], ce qui donnera le pain *[põ], la chanson *[ʃõsõ], ce qui n’est pas mieux.

Ecoutez:

chanson [ʃɑ̃sõ], pin [pɛ̃], pont [põ], pend [pɑ̃], un parfum [œ̃paʁfœ̃]
réfléchissons Ecoutez :

Une prise de conscience sera donc nécessaire.

  • Montrez aux apprenants qu’il existe des consonnes nasales : par exemple, [m] ou [n].
  • Faites leur prononcer [m], bouche fermée, comme pour chantonner, pendant plusieurs secondes.
  • Dites-leur de se boucher le nez. Le son s’interrompt : l’air ne peut pas sortir par le nez, la vibration des cordes vocales s’arrête.
  • Si on relâche le nez, le son recommence. Remarquer que l’on sent bien la vibration des fosses nasales en gardant, narines non pressées, deux doigts sur le nez, comme pour se moucher.

Une fois prouvé que le son est nasal, on ajoute la voyelle nasale la plus facile à prononcer : [õ], et on fait prononcer mon [ mõ ] en faisant prononcer [o] avec le nez en plus. Il faut contrôler que la voyelle est bien nasale en posant deux doigts sur le nez.

Faites chercher des exemples avec [o], qui seront prononcés en chœur, puis des exemples avec [õ], qui seront d’abord prononcés en chœur, puis individuellement.

Présentez- leur la nasale [ ɛ̃ ], en faisant bien remarquer que c’est bien [ ɛ ] qui sert de base. Faites comme pour [ õ ]. Servez-vous de votre trapèze vocalique pour aider les apprenants à s’orienter.

Faites enfin la même chose avec [ɑ̃]. Faites bien remarquer que ce n’est pas le [a] habituel qui sert à former la nasale, mais le [ɑ] d’arrière.

Si vous êtes habituée à utiliser 4 nasales, rien ne vous empêche de présenter le [œ̃]. Sinon, profitez de ce que beaucoup de Français la remplacent par [ɛ̃]. Ainsi, vous n’en aurez plus que 3 à traiter.

N’oubliez pas, lorsqu’un apprenant se trompera de voyelle nasale, d’utiliser votre trapèze vocaliques, dessiné dans un coin du tableau, pour remettre les choses au clair.

Voyelles médianes ouvertes / fermées

Les voyelles médianes doivent être étudiées en couples fermée / ouverte :

[e] - [ɛ] / [ø] - [œ] / [ɔ] - [ɑ]

Il existe une règle générale, qui ne connaît aucune exception dans les régions de langue d’oc (le sud de la France), mais qui en connaît de nombreuses en langue d’oïl, en gros, au nord de la Loire.

Cette règle part de la construction des syllabes. Une syllabe orale se terminant par une consonne est dite fermée, puisque la bouche se referme. Le contraire est donc la syllabe ouverte, qui se termine par une voyelle.

Un os [ ɔs ] - des os [o] / Un bœuf [bœf] - des bœufs [ bø ]

réfléchissons Ecoutez :

Lorsqu’une syllabe fermée contient l’une des voyelles médianes, on utilise la voyelle ouverte. L’inverse n’est pas toujours vrai, au nord de la Loire, mais l’est toujours dans les régions de langue d’oc, au sud.

Lorsque la consonne finale est [ʁ], cette règle est encore vraie, et la voyelle est ouverte. Mais ceux qui remplacent le [ʁ] par une voyelle choisissent la version fermée de la voyelle, ce qui les rend encore moins compréhensibles. Il faut donc absolument faire prononcer le [ʁ] en consonne constrictive.

Voyelles arrondies / étirées

Nous avons indiqué plus haut que les voyelles moyennes [y,ø,œ,ə] et les voyelles arrières [u,o,ɔ] étaient arrondies, c’est-à-dire que, pendant leur réalisation, les lèvres étaient projetées en avant. Cela s’entend, car le formant n°2 de ces voyelles devient plus grave, ce qui donne une impression de gravité que les autres voyelles n’ont pas. Il faut donc veiller à ce que les lèvres soient bien en avant.

Contrôle de l’arrondissement

intonation

Mais ce n’est pas tout. Les voyelles arrondies ont une influence sur toutes les consonnes de la même syllabe, placées avant. En effet, par anticipation, le locuteur projette les lèvres en avant dès le début de la syllabe, quelle que soit la consonne, qu’elle soit arrondie ou non.

Ainsi, dans les mots nue, lue, drue, toute la syllabe jusqu’à {u} est arrondie, les lèvres étant projetées en avant dès la première consonne. Le contrôle de l’arrondissement peut à nouveau être utilisé pour le début de la syllabe jusqu’à la voyelle arrondie.

L’économie de l’énergie : Problèmes du [ə]. Problèmes de hiatus

Si l’on réfléchit à l’intonation du français, avec ses mots phoniques qui n’en finissent plus, on comprend pourquoi la langue gagne du temps en faisant des liaisons, et en éliminant tous les e muets [ə] possibles. Ce n’est pas pour rien qu’on les nomme muets.

Problèmes du [ə].

Le [ə] est une voyelle particulière, qui ne peut pas subir d’accent tonique, sauf dans « le » pronom personnel à l’impératif : Regarde-le ! (= tu le regardes !) Me /moi, te/toi Pour pouvoir mettre l’accent tonique sur me, on le remplace par moi, et il en est de même pour te, remplacé par toi. Si l’on doit regarder le locuteur, celui-ci dira regarde-moi ! (= tu me regardes ! me est remplacé par moi), et si celui à qui l’on parle doit se regarder lui-même, on lui dira : regarde-toi ! (= tu te regardes) te est alors remplacé par toi. Sinon, quantité de [ə] disparaissent, remplacés par une apostrophe : Je /j’, me/m’, te/t’, le/l’, se/s’, ne/n’, que/qu’, ce/c’, de/d’. Et lorsque c’est possible, on ne le prononce pas à la fin d’un mot : La table [tabl], le poivre [pwavʁ].

Problèmes de hiatus

Le français ayant horreur du choc entre deux voyelles, que l’on nomme hiatus, il montre beaucoup d’ingéniosité pour l’éviter. En effet, redémarrer sur une voyelle demande beaucoup d’énergie, un peu comme un cycliste qui s’arrête dans la côte, et doit repartir. Il est plus économique d’utiliser une consonne. Les Allemands nous en donnent la preuve, eux qui utilisent le coup de glotte [ ʔ ] (une consonne occlusive formée par la fermeture, puis l’ouverture explosive, des cordes vocales), le plaçant devant chaque voyelle en début de mot. Par conséquent, tous les mots d’allemand commençant, à l’écrit, par une voyelle, commencent à l’oral par une consonne. Ainsi, on aura Apfel [ʔapfl̥] (=pomme)./p>

Seulement voilà, où trouver la consonne ?

  • Nous avons vu comment Je devenait j’, me/m’, te/t’, le/l’, se/s’, ne/n’, que/qu’, ce/c’, de/d’. Ainsi, on obtient une consonne libre et utilisable par élision du [ə], voire même du [a] ➔ la /l’, ou du [i] ➔ si/s’
  • On réveille une consonne latente : quand [kɑ̃] ➔ quand elles [kɑ̃tɛl], il vient ➔ vient-il.
  • Ou encore, on en glisse une entre deux voyelles : elle va ➔ comment va-t-elle.
  • On peut aussi prendre un autre mot : ma + auto ➔ mon auto, beau + homme ➔ bel homme.

La consonne fonctionne un peu, entre les voyelles, comme l’huile dans les engrenages : tout marche mieux. Le hiatus est donc chose rare, en français, et n’est utilisé qu’en cas de force majeure, généralement pour éviter une confusion :

Des héros [deeʁo], car [dezeʁo] signifie des zéros En haut [ɑ̃o] car [ɑ̃no] signifie en eau.

De plus, l’absence de liaison là où il pourrait y en avoir une, est réservée au passage d’un mot phonique à un autre.

réfléchissons Ecoutez :

Voyelles toutes prononcées : je vais à l’université pour devenir professeur : la régularité syllabique.

Les voyelles qui sont prononcées le sont donc du début à la fin avec la même intensité. Le Français ne faiblit pas avant la fin de sa voyelle, ne referme pas la bouche pendant sa réalisation comme les Allemands ou les Anglais avec leurs diphtongues.

Chaque voyelle a le droit d’exister. Lorsque l’on faisait passer les tests de début de semestre dans notre institut de la FU (freie Universität), on posait la question : « Pourquoi voulez-vous faire des études de français à l’université de Berlin ? »

La réponse était le plus souvent : je veux faire des études à l’université *[yniverste] pour devenir professeur *[ pʁofsøɐ ]. Le dernier i de université avait disparu. Quant à professeur [pʁɔfɛsœʁ], outre le [ʁ] transformé en voyelle, et le [œ] fermé en [ø], il avait perdu son [ɛ], sans doute à cause du gros accent tonique que les étudiants mettaient sur sa première syllabe, l’allongeant de ce fait et raccourcissant par ricochet les syllabes atones.

La régularité syllabique nous oblige à prononcer toutes les syllabes atones avec la même longueur, ce qui interdit de raccourcir, voire de faire disparaître les voyelles qui en sont le sommet.

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