L’intonation marquée contient une intention. Elle donne la clé qui permet de décoder l’information.
Nous nous limitons personnellement aux intentions :
Le meilleur moyen de mettre en doute ce qui a été dit, c’est de le répéter avec l’intonation du doute.
Pour cela :
Ex : Vous apprenez que votre voisin, ancien directeur de banque, est désormais SDF. Vous en doutez fortement :
« Il est SDF… »
Apprenez à vos élèves à reconnaître cette intonation, grâce à des exercices de discrimination.
Faites faire des exercices préparés en groupes, où l’un dit quelque chose d’incroyable, et où son voisin montre qu’il ne le croit pas, avant, à son tour, de proposer autre chose à son voisin, qui ne le croira pas. Chaque groupe aura préparé au moins une proposition par membre, chaque membre choisissant dans la liste.
L’évidence est presque l’inverse du doute, puisque la chose est claire pour tous. Mais là, on ne peut pas se contenter de répéter. Il faudra proposer une solution ou une explication :
« Il n’y a plus de bière !
— Va en acheter, ou bois de l’eau ! »
« Elle n’est pas venue travailler !
— Elle sera malade ! »
Si on vous pose une question dont la réponse va de soi, vous pourrez vous contenter de formules toutes faites : mais bien sûr, mais évidemment, bien entendu ! Ou encore : « Mais puisque je te le dis ! »
Voici un dialogue rempli d’évidences :
« Tu vas m’aider à préparer mon examen ?
— Mais bien sûr !
— Mais cela ne t’embêtera pas ?
— Bien sûr que non !
— C’est vrai, alors ?
— Mais puisque je te le dis ! »
Voyons de près l’intonation de l’évidence :
« Que fait-on en cas d’incendie ?
— On appelle les pompiers ! »
Pour bien réussir l’intonation de l’évidence, il faut :
Vous voyez que ce n’est pas si difficile d’être évident.
Il va de soi que vous ferez travailler vos apprenants comme pour le doute :
Faites aussi des exercices de discrimination : reconnaître si l’intonation exprime l’évidence ou le doute.
Passez ensuite à des exercices de production, où, à la demande, les apprenants réalisent l’intonation demandée, doute ou évidence.
La surprise est un sentiment qui peut être très violent. Ma voisine Mme H. découvrant son mari en train d’embrasser une femme dans sa voiture a été tellement surprise et indignée qu’elle s’est évanouie, tombant sur le trottoir.
On peut s’estimer heureux qu’elle n’ait pas eu de crise cardiaque et qu’elle n’en soit pas morte sur le coup, ce qui aurait porté sa surprise au paroxysme.
Nous nous limiterons ici à une surprise contrôlée : nous voulons seulement montrer notre étonnement à notre interlocuteur.
L’indignation est une surprise qui montre que l’on est choqué. Les moyens linguistiques sont les mêmes : c’est le contexte qui transforme la surprise en indignation.
Nous emploierons ici une méthode simple et efficace de montrer notre surprise.
Ex : Notre oncle avait eu un infarctus l’année dernière. Son médecin lui avait interdit la cigarette. Nous le rencontrons, aujourd’hui, la cigarette au bec. Nous sommes indignés qu’il brave ainsi la mort :
« Tu as recommencé à fumer ? ! ? »
Vote fils vous explique qu’il a une copine et qu’ils vont se marier dans un mois. Votre surprise ne connaît pas de limite :
« Vous vous mariez dans un mois ? ! ? »
Pour réussir l’intonation de la surprise :
Vous avez droit à plusieurs mots phoniques. Si vous n’en avez qu’un, essayez d’en avoir deux en séparant un complément avec préposition du reste. Cela donnera plus facilement l’impression que vous rebondissez.
➔ Employez l’intonation de la question sans mot interrogatif, mais
➔ Et n’hésitez pas à mettre beaucoup d’intensité sur les syllabes toniques, surtout sur la dernière.
Il va de soi que vous ferez travailler vos apprenants comme pour le doute ou l’évidence :
Vous pourrez aussi lancer des idées surprenantes, pour lesquelles vos apprenants réagiront avec surprise, d’abord en plénum, puis individuellement.
Une fois que vous aurez vu l’ensemble des patrons intonatifs de l’intonation marquée, vous passerez à des exercices de discrimination (reconnaître le patron intonatif), puis de production. Chacun doit, après entrainement, être capable de produire, à la demande, l’intonation désirée. Nous verrons ci-dessous comment préparer des batteries d’exercices.
Vous verrez que l’enseignement de l’intonation est payant, et qu’il vaut la peine qu’on le mette en pratique. D’ailleurs, comme moi, vous entendrez vos apprenants, après le cours, se parler en employant, en français, les patrons intonatifs appris, simplement pour s’amuser.
Évidemment, rien n’est gagné pour toujours, et il faut régulièrement rappeler les fondamentaux, mais vous verrez que vos apprenants gagneront en sûreté, comprendront mieux et seront mieux compris.
Le livre Enseigner la Valence des verbes vient de sortir. il contient le texte complet de la grammaire de ce site et les activités et exercices pour les apprenants.
++ © Christian Meunier ++